DECOUVREZ LE SENS CACHE DE « LE DITANYE », L’HYMNE NATIONAL BURKINABE.

Introduction :

L’hymne national est plus qu’une simple chanson chantée lors des événements officiels ; il est le reflet de l’âme et de l’histoire pour un pays ; il incarne les valeurs, les luttes, et l’esprit de la nation. Pour le Burkina Faso, « Le Ditanyè » est un symbole puissant de notre bravoure, notre unité et de notre fierté. Mais que signifie « Ditanyè » ? De quelle langue locale a-t-il été emprunté ? Et pourquoi ce choix ? La signification du titre de notre hymne national reste souvent méconnue de la majorité des citoyens burkinabè. Cet article vous invite à explorer les couches profondes de l’hymne national de façon générale, la signification du titre de notre hymne en langue lobiri, met en lumière l’origine du Ditanyè et le lien intrinsèque de l’hymne d’avec la résistance historique de tout un peuple contre l’invasion coloniale.

  1. La Résistance des Lobi : un héritage de fierté et une lutte perpétuelle pour l’autonomie et l’indépendance.

En 1914, pendant que la 1ère Guerre mondiale se déroule en Europe, le Capitaine Henry Labouret prend le cercle de commandement de Gaoua puis devrait faire sa 1ère guerre contre les peuples du pays lobi actuel Sud-Ouest du Burkina Faso composés des Lobi, Birifor, Gan, Dian, , Téguessié et Dorossié. N’étant le siège ni organisme politique remarquable ni d’un centre commercial important, le Lobi n’est guère mentionné dans les sources, arabes d’abord et européennes ensuite, qui servent de base, avec les traditions orales locales lorsqu’elles existent, à l’élaboration de l’histoire africaine pour la période précédant le début des explorations intérieures (vers la première moitié du dix-neuvième siècle). Cependant, les Lobi et les Birifor ont été connus pour leur farouche résistance à la colonisation. Leur organisation sociale décentralisée et leur structure segmentaire ont constitué un obstacle majeur et un grincement de dents pour les colons européens qui cherchaient à établir un contrôle administratif et économique sur leur territoire. L’héroïsme des Lobi dans leur lutte contre la domination coloniale est bien documenté dans les écrits historiques. Selon les travaux de M. Labouret, un expert en ethnologie, les Lobi ont montré une détermination remarquable pour préserver leur indépendance face aux tentatives d’annexion coloniale. Les Birifor, quant à eux, ont également eu des interactions complexes avec les colonisateurs, et leur intégration dans le système colonial s’est faite progressivement. C’est le cas des villages Birifor de Domatéon (Nord-ouest de Batié actuel), Huéo ou Houiéo (Canton de Ponalatéon, commune rurale de Gbomblora), les villages Lobi de Langara, Kpantionao, Bouti, Tyosera, Tyopana de la région de Kampti, du village de Midebdo, etc. Ces résistances n’ont pas seulement été une lutte physique, mais aussi un combat culturel et identitaire, manifesté par leur capacité à maintenir leurs traditions et coutumes en dépit des pressions externes. Arc armé de flèche et carquois remplis de flèches contres grenades et fusils des colons, les Lobi et Birifor ont su apporté une réponse amère à leur envahisseur à travers un entêtement justifié par la nécessité de préserver une identité qui tend à s’effondrer rendant ainsi difficile l’exploitation de la région de Gaoua actuel Sud-Ouest.

Figure 1: Des guerriers lobi, 1934. Ci. A. Heim.

Les travaux de Daniel Dory, « Entre la découverte et la domination : le Lobi (1800-1960) », détaillent comment les Lobi ont opposé une résistance farouche aux autorités coloniales françaises, malgré la répression brutale et barbare perpétrée contre ce peuple à pouvoir acéphale visant à les soumettre par la force. Les méthodes de répression des colons comprenaient entre autres la destruction de récoltes, les enlèvements des troupeaux de bœufs et de moutons, les emprisonnements et pire, les lynchages (pendaisons orgnisées) des ‘‘récalcitrants’’ sur les places publiques à l’instar de l’affreuse histoire des afro-américains dans le Sud des États-Unis avant la guerre civile dans les années 1830. Cette insoumission non seulement gênait les efforts de contrôle mais entraînait aussi des pertes économiques pour les colons.  Jusqu’à nos jours, le paragraphe de l’histoire relative de la colonisation des pays Lobi et environnants est toujours en pointillés parce qu’il n’y a pas de sources scientifiques qui attestent que les pays Lobi ont déposé leurs flèches de façon anonyme et se soumettre officiellement aux colons français.

Figure 2: Pendaison organisée par le Henry Labouret sur la grande place du marché (Alhum de photos H. Labouret (I 91 2-1 924), par JEANNE-MARIE KAMBOU-FERRAND.)

Figure 3: Résistants Lobi lunchés en public pour dissuader la masse résistante (Source : Alhum de photos H. Labouret (I 91 2-1 924), par JEANNE-MARIE KAMBOU-FERRAND.)

  • Le sens linguistique du ‘Ditanyè’ (« Ditaaniè » en langue lobiri)

Le 4 août 1983, après 23 ans d’accession de la Haute Volta à son indépendance, la page historique du pays se voyait tourner inéluctablement vers l’horizon du bonheur grâce à l’arrivée au pouvoir et par coup de force d’un groupe d’officiers militaires avec à sa tête le Capitaine Thomas SANKARA. Une année plus tard, précisément le 2 août 1984, Thomas SANKARA, rebaptisait la Haute-Volta en Burkina Faso : Pays des Hommes intègres. Cette date a également consacré la transformation de l’hymne national. Ainsi, de « Fière Volta », l’hymne national devient le « Ditanyè ». La devise passe, elle, de « Unité-Travail-Justice » à la « La Patrie ou la mort, nous vaincrons ! ».

L’hymne national burkinabè, intitulé « Le Ditanyè » signifie littéralement « Chant de la Victoire » en langue lobiri. Le terme est constitué de trois syllabes :

  • « Di » : représente « le territoire, le pays, la nation »
  • « Ta » : provient du verbe « tar » ou « taa » qui signifie « retirer » ou « prendre de force » ou « sauver » interprété en français par « libérer »
  • « Nyè » ou « niè »: signifie « chant » ou « mélodie ».

Ainsi, « Le Ditanyè » peut être traduit par « le chant de la victoire » ou « le chant de la libération » en français. Il peut également être traduit en anglais par « the song of victory ». Cette dénomination reflète non seulement la joie et l’honneur de la victoire sur l’oppression coloniale mais aussi l’esprit de liberté et d’indépendance des Lobi. Le père de la Révolution burkinabè et ses pairs auraient bien voulu rebaptiser la « Fière Volta » en « Ditanyè » pour magnifier et témoigner la résistance et la lutte héroïque du peuple burkinabè dans l’aspiration à une indépendance totale de façon générale, et des peuples Lobi et voisins de façon spécifique pour leur résilience, l’union et la vigueur dont ils ont fait preuve face à l’oppresseur.

Figure 4: Le père de la Révolution burkinabè, Capitaine Thomas SANKARA.

  • L’importance de connaître et de comprendre notre hymne

En tant que citoyen burkinabè il est nécessaire de connaître, de comprendre et surtout de vivre le message véhiculé à travers l’hymne national « Le Ditanyè ».

« Le Ditanyè » est bien plus qu’une chanson patriotique ; il incarne l’esprit de résistance et de résilience qui a toujours caractérisé le peuple burkinabè. En comprenant son origine et son sens, nous sommes tous appelés à nous reconnecter à notre histoire collective et à nous fortifier davantage dans la culture de notre identité nationale. Nous pouvons y puiser les valeurs de résistance et de dignité face à l’adversité. Cela crée un sentiment d’appartenance et de fierté, gage de tout développement inclusif.

Dans un contexte de crise, la division peut affaiblir une nation. Le message de solidarité, d’unité de patriotisme véhiculé par l’hymne national nous rappelle l’importance de rester unis et dignes. En pratiquant la cohésion sociale, nous pouvons surmonter les tensions internes et externes, résistant ainsi à ceux qui cherchent à semer la division.

L’hymne, avec ses racines dans la lutte pour la liberté, inspire la paix et le respect mutuel. Face à la violence et au terrorisme, nous devons rester dans la soif de promouvoir une culture de la paix afin de rétablir la sécurité et la stabilité nationale. Comprendre et vivre les valeurs de « Le Ditanyè » nous encourage tous en tant que citoyen à être un acteur de la paix dans nos communautés respectives.

L’hymne national rappelle que c’est ensemble, en tant que peuple uni, que le Burkina Faso va toujours triompher de l’adversité. C’est parce que « Le Ditanyè » célèbre la victoire sur l’oppression et aspire à un avenir de liberté et de progrès que nous devons cultiver la solidarité entre citoyens et encourager les Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) et les Forces de Défense et de Sécurité (FDS) dans leurs efforts quotidiens de défense et de reconquête de notre territoire.

En comprenant ce message, nous sommes à jamais encouragés à participer activement à la construction d’un Burkina Faso libre, prospère, et juste, où chacun a un rôle à jouer dans l’avancement collectif. C’est pourquoi l’expression « Ditanyè », puisée dans les sources immuables de notre histoire, devrait être exploitée au quotidien et vulgarisée par les citoyens du burkinabè.

Conclusion :

« Le Ditanyè » n’est donc pas seulement une mélodie que nous chantons avec ferveur ; c’est une célébration de notre histoire, de notre résistance et de notre liberté. En décryptant les paroles et en comprenant le contexte historique et linguistique de notre hymne national, nous pouvons nous unir encore plus en tant que nation et honorer le courage et les sacrifices de nos ancêtres et élaguer les sentiers vers l’horizon du bonheur et du progrès. La prochaine fois que vous chanterez « Le Ditanyè, » rappelez-vous qu’il s’agit d’un chant de victoire, de liberté et de fierté nationale, qui continue de résonner avec force dans le cœur des Burkinabè.

La patrie ou la mort nous vaincrons !!!!

Mots clés : Ditanyè-Résistance-Identité-Liberté-Progrès.

Auteur : DA Filmité François

SOURCES

  1. Webographies

https://lefaso.net/spip.php?article115225 consulté le 24/08/2024 à 15h-31mn.

https://memoires-afrique.com/69-lobi  consulté le 25/08/2024 à 13h-39mn.

https://www.ontb.bf/index.php/visites/musees/musee-de-civilisations-des-peuples-lobi consulté le 25/08/2024 à 11h-54mn.

https://www.persee.fr/doc/bagf_0004-5322_1984_num_61_505_5500 consulté le 24/08/2024 à 19h-07mn.

https://www.universalis.fr/encyclopedie/lobi/ consulté le 24/08/2024 à 22h-14mn.

  • Références bibliographiques
  • Lester P. Les tribus du rameau Lobi. In : Journal de la Société des Africanistes, 1932, tome 2, fascicule 2. pp. 248-249. (www.persee.fr/doc/jafr_00379166_1932_num_2_2_1538_t1_0248_0000_2 )
  • Homburger L. Mission de M. Labouret en Afrique occidentale française. In : Journal de la Société des Africanistes, 1932, tome 2, fascicule 2. pp. 245-248. (www.persee.fr/doc/jafr_0037-9166_1932_num_2_2_1538_t1_0245_0000_1)
  • Kambou-Ferrand Jeanne-Marie, (1993) Guerre et résistance sous la période coloniale en pays lobi/birifor (Burkina Faso) au travers de photos d’époque (actes du colloque de Ouagadougou (10-15 décembre 1990). fdi:37412- Horizon. (n.d.).  (https://www.documentation.ird.fr/hor/fdi:37412) Consulté le 27/08/2024 à 8h-23mn.
  • Daniel DORY (1984) ENTRE LA DÉCOUVERTE ET LA DOMINATION: LE LOBI (1800-1960) ÉLÉMENTS D’HISTOIRE DE LA GÉOGRAPHIE COLONIALE, (505-506  pp. 373-382).

Publié par madoulem

Mamadou Belem is an international English Language trainer. He holds a MA degree in TESOL from Minnesota State University, Mankato ( MNSU) in the United States through the prestigious Fulbright scholarship.

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